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LE150523

 

 

Une  TRIBUNE

d’Alain Lemasson

(Les Échos le 15 mai 2023) 

 

 

 

L'enseignement de l'économie en France

 

La caractéristique première de l’enseignement de l’Économie en France est la présence de la Sociologie au programme, un rapprochement justifié dès l’origine par le souci d’élargir les capacités de réflexion des élèves. Chaque professeur est ainsi chargé de l’enseignement de plusieurs matières, Économie, Sociologie et, depuis 2020, de la Science Politique.  

 

Il est intéressant de rappeler à cet égard le préambule du nouveau programme de Terminale publié par l’Éducation Nationale, citant d’emblée « l’insistance des professeurs sur l’exigence de neutralité axiologique », précisant que l’enseignement des Sciences Economiques et Sociales, fondé sur des travaux scientifiques, doit « aider les élèves à distinguer la démarche scientifique de ce qui relève de la croyance et du dogme ». Et de conclure que l’objectif de l’approche pluridisciplinaire (économie, sociologie et science politique) est de donner « les bases aux élèves avant que les différents regards disciplinaires ne se croisent sur des objets d’étude communs ».  

 

Formulées ainsi, la philosophie de cet enseignement et son exigence d’objectivité ne peuvent qu’entraîner l’adhésion, au détail près de la concentration de sujets complexes sur un nombre d’heures limités et d’une interrogation sur la maturité suffisante des élèves.

 

L’examen attentif et progressif du programme révèle toutefois un écart important entre les intentions initiales et leur traduction concrète.

 

Le premier étonnement apparait dès la lecture de la partie « Regards Croisés » du programme de la « Spécialité Sciences Économiques et Sociales ». Ses deux chapitres s’intitulent « compatibilité des inégalités avec les différentes conceptions de la justice sociale » et « l’action publique pour l’environnement ».  On ne peut que noter l’absence de sujet économique et l’apparition du sujet « écologie », traité de manière incidente dans le cours.

 

La découverte de la partie Économie réserve quant à elle plusieurs surprises, découlant autant de ce qui est dit que de ce qui ne l’est pas. Le premier chapitre, consacré à la croissance, omet ainsi complètement le rôle de l’investissement. Pas un mot sur son financement, les sujets de la banque et de la bourse, effleurés en classe de seconde, étant supposés connus. On peut s’étonner en revanche des longs développements sur les inégalités de revenus résultant de la croissance ou du commerce international, le sujet du chapitre suivant. Le troisième chapitre est entièrement consacré à la lutte contre le chômage et le quatrième traite des crises financières et de la régulation du système financier. On y parle de bulles et de panique bancaire avec l’affirmation de la responsabilité des banques en vertu du théorème de l’aléa moral, à savoir l’indifférence aux risques de la part des banques, qui se savent « couvertes par les États en cas de problèmes ». Un théorème fallacieux qui ignore complètement la perte financière totale des actionnaires en cas de renflouement d’une banque !

 

Le dernier chapitre, consacré aux politiques économiques dans le cadre européen, évoque surtout la perte de souveraineté monétaire des États de la zone euro, en clair, leur incapacité à recourir aux dévaluations pour résoudre les problèmes de compétitivité.

 

Après cette analyse tronquée de l’économie et de la finance, la partie Sociologie et Science Politique n’étonne plus, centrée sur la théorie marxiste des classes sociales, l’exposé répété des facteurs d’inégalités, l’importance soulignée de l’engagement politique et la justification explicite des conflits du travail.

 

Cet enseignement de l’économie, explicitement anti-libéral, contredit clairement le principe de « neutralité axiologique » annoncé par ses auteurs. Si l’on pense à l’intérêt des élèves, le plus utile serait leur sensibilisation au principe de réalité par l’ajout au programme actuel d’une partie dédiée à l’approche libérale de l’économie. L’objectivité y gagnerait et plus encore, leur capacité de réflexion.

 

Alain Lemasson

 

Ancien banquier – Auteur & Fondateur d’Infofi2000

l’origine, le quantitative easing a fait l’objet d’interprétations diverses qui n’ont pas facilité sa compréhension, au contraire. Ce montage complexe relevait il est vrai d’une logique surprenante puisqu’il s’agissait pour la BCE de financer les États à travers un mécanisme respectant à la lettre l’interdiction formelle de le faire. La solution trouvée, d’une parfaite orthodoxie juridique, a été le financement indirect par le biais des rachats d’obligations souveraines sur le marché. La conséquence économique était considérable puisqu’une alternative était ainsi créée au financement des États par les marchés.

 

Plus encore, la BCE avait dès lors toute liberté pour modifier à son gré les conditions de ce financement, dans un sens favorable aux États de la zone euro. C’est ainsi que les durées de financement ont été allongées, les taux d’intérêt diminués, et de surcroît la BCE s’est engagée à renouveler d’elle-même les obligations arrivant à maturité. Plus qu’un prêteur bien disposé, la BCE devenait un investisseur de long, très long terme, pour le plus grand bien des États dont le profil d’emprunteur était ainsi amélioré, à l’instar d’une entreprise dont la dette serait progressivement transformée en quasi-fonds propres. Selon les données les plus récentes fournies par le Trésor, 48% de la dette française était détenue par la BCE en juin 2022.

 

Le silence de l’économie classique

 

La science économique a peiné à expliquer ce phénomène nouveau des rachats d’obligations. Son assimilation initiale à la création monétaire a été remise en cause par l’absence d’impact inflationniste. Le paradoxe est d’autant plus grand à cet égard que l’objectif d’origine de l’assouplissement quantitatif était de lutter contre la déflation alors menaçante. Il avait été admis que l’objectif d’une inflation « proche de et inférieure à 2 % » s’appliquait dans les deux sens, et que la déflation était aussi dangereuse pour l’économie qu’un excès d’inflation. La déflation a effectivement été vaincue, mais sans effet inflationniste.

 

La perplexité des économistes s’est encore accentuée avec l’introduction des taux d’intérêts négatifs, pourtant censés ne pas exister. Le parallèle avec les mathématiques s’impose, avec l’invention du nombre imaginaire i, lequel postule l’existence de l’impossible, à savoir la racine carrée d’un nombre négatif. Cet imaginaire i a pourtant permis la modélisation de nombreux phénomènes physiques, comme le courant alternatif, établissant en quelque sorte le lien entre l’imaginaire et le réel.

 

Reprendre les rachats d’obligations ?

 

Les rachats systématiques d’obligations, les taux négatifs équivalents à des subventions, l’allongement des maturités ont très bien fonctionné, du point de vue des États naturellement, et du point de vue des marchés. De 2015 à 2022, l’économie des pays de l’OCDE a connu une période de stabilité et de croissance, prouvant la grand efficacité du quantitative easing.

 

On peut supposer que l’harmonisation des politiques de la FED et de la BCE à cet égard a contribué à la stabilité relative du taux de change de l’euro face au dollar. Quelles que soit le bien-fondé des critiques suscitées par la hausse considérable du bilan des banques centrales, le fait de la symétrie des politiques de part et d’autre de l’Atlantique a certainement joué en ce sens.

 

On ne peut dès lors que s’interroger sur la pérennité des mesures annoncées en 2023. A l’arrêt des rachats d’obligations doit succéder une politique de diminution de la taille du bilan de la FED. Et d’accord ou pas, la BCE se voit obligée de suivre sous peine de créer un possible décrochage de l’euro et des tensions sur les marchés obligataires.

 

La substitution de la BCE aux marchés pour le financement des États s’est avérée une réussite complète sept années durant, de sorte que l’on ne peut que souhaiter la reprise d’une politique qui a fait ses preuves, dès le retour de l’inflation à des niveaux acceptables. La difficulté à cet égard sera de convaincre à nouveau les faucons de la BCE dont l’opposition avait été habilement contournée une première fois, en 2015. L’urgence et l’ampleur des besoins d’investissements publics annoncés dans les domaines aussi variés que la défense et l’aide à la restructuration de la production d’énergie, sur les plans géostratégiques et écologiques devraient permettre à la BCE de surmonter les oppositions.

 

Alain Lemasson 

Ancien banquier  - Fondateur du site INFOFI2000.com

 

 

  

 

 

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04/05/2023
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