La BCE hésite
UNE CHRONIQUE
dans CAPITAL
(le 30 janvier 2022)
La FED hésite … la BCE aussi
Le ton assuré du président de la FED lors de sa dernière conférence de presse n’a pas complètement effacé l’hésitation profonde des autorités monétaires américaines – et de leurs collègues européens - quant à la conduite à tenir face à la menace inflationniste. Si celle-ci s’avère durable, nous est-t-il dit, il sera nécessaire d’intensifier la hausse des taux d’intérêt, et de réduire la taille du bilan de la FED. Il ne serait ainsi plus seulement question de tapering, c’est-à dire d’une diminution progressive des achats d’obligations, mais de leur arrêt complet. Cet arrêt n’entraînant que la stabilisation du bilan de l’institution, et non pas sa réduction, il faudrait alors aller plus loin, mais rien n’a été annoncé quant aux mesures complémentaires envisagées et on peut comprendre les raisons de ce silence. Sur le plan de la théorie monétaire, nous sommes en effet en terra incognita. A nouveau pourrait-on dire, puisque l’élément central du quantitative easing – le financement des dettes souveraines en dehors des marchés - ne s’appuyait sur aucune théorie connue et n’a pas provoqué les perturbations annoncées ici et là. La réduction du bilan de la banque centrale peut se concevoir de plusieurs manières, la plus simple étant l’annonce par cette dernière du non-renouvellement à maturité des obligations qu’elle détient et qui devraient être alors remboursées à échéance par l’État emprunteur. Une solution plus rapide pourrait être la revente des obligations au marché, ce qui pose le problème de leur acceptabilité. Pour que les investisseurs y trouvent leur compte, il faudrait que la banque centrale réduise considérablement le prix de vente des obligations de manière à en augmenter le rendement réel, sachant que les obligations détenues ont un taux facial très faible, voire négatif. Cet ajustement nécessaire du prix de vente des obligations entraînerait des milliards de perte pour la banque centrale.
Réduire le bilan de la FED La solution encore plus rapide, moins risquée et indolore serait alors leur stockage dans une entité distincte, une sorte de structure de défaisance. Ce délestage priverait l’État emprunteur des allongements futurs de maturité des obligations promis par la banque centrale, mais celui-ci garderait l’avantage de la restructuration déjà acquise d’une partie importante de son endettement, dont l’exigibilité est passée de six mois avant 2015 à plusieurs dizaines d’années aujourd’hui.
L’arrêt du quantitative easing poserait un énorme problème L’enjeu géopolitique d’un arrêt des achats d’obligation est de taille, pour les États-Unis comme pour l’Europe. Il faut bien voir que le pari assez incroyable des autorités monétaires en 2015 a superbement fonctionné, en ce sens qu’il a non seulement libéré les États de l’emprise complète des marchés pour leur endettement, mais permis l’allongement des durées d’emprunt, l’abaissement considérable des taux d’intérêts et même leur subventionnement par le biais des taux négatifs. Les États-Unis se sont notamment libérés de la Chine, qui a longtemps assuré le financement du déficit américain. Du côté européen, le financement du « quoi qu’il en coûte » n’aurait pas été possible en l’absence du quantitative easing, avec les conséquences que l’on imagine pour la lutte contre la pandémie. On comprend dès lors l’hésitation profonde des banques centrales confrontées à des décisions susceptibles d’anéantir une partie des résultats obtenus jusqu’à présent et de compromettre le financement des investissements considérables attendus dans le domaine de la transition écologique. Il reste environ deux mois pour confirmer le caractère non transitoire du retour d’inflation, et donc pour mettre en œuvre ou non les décisions annoncées.
Alain Lemasson Ancien banquier – auteur, chroniqueur, fondateur du site Infofi2000.com |
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