Les Échos - Pédagogie de la Finance
Une TRIBUNE
d’Alain Lemasson
(Les Échos le 27 janvier 2023)
Une nouvelle pédagogie de la finance
La méconnaissance des bases de la finance est un handicap pour de nombreux Français confrontés à l’opacité des chiffres dans leur milieu professionnel et à la complexité de l’actualité économique.
Une actualité particulièrement difficile à déchiffrer car il faut ajouter à l’information médiatique quotidienne les commentaires des spécialistes, universitaires ou journalistes.
Les contradictions des points de vue ou leur ésotérisme brouillent la compréhension des faits, de sorte que l’on ne sait plus ce qui relève de l’analyse ou du jugement, de la critique à l’aune des théories d’autrefois ou du biais politique des auteurs.
Le meilleur exemple sur ce point est le sujet du pilotage des dettes souveraines par les banques centrales, le fameux assouplissement quantitatif, un sujet majeur, novateur et largement incompris.
Il faut admettre que les manuels d’économie et de finance ne sont pas d’un grand secours à cet égard, au contraire même. Savoir ce qui opposait Keynes et Hayek est certes passionnant sur un plan historique mais doit être actualisé, et de même la modélisation mathématique appliquée à l‘économie n’aide pas à la compréhension du monde contemporain.
La vision globale d'abord
L’idée d’une formation à l’économie par l’histoire ou par la focalisation sur les sujets théoriques ne peut plus être un point de départ, mais seulement un complément.
Au-delà des limites de ces approches et de l’effet réducteur de la politisation des explications apparaît ainsi le besoin d’un éclairage pédagogique nouveau.
Cette approche pédagogique nouvelle pourrait être construite à partir de l’observation globale du monde de la finance, la compréhension de sa logique d’ensemble devant précéder l’analyse de ses composantes.
Une telle approche permet de prendre immédiatement conscience d’une réalité simple et fondamentale, le monde de la finance n’est pas statique, l’argent circule sans cesse dans un mouvement cyclique reliant les acteurs de l’économie.
Ce monde de la finance, initialement limité aux acteurs bancaires, a vu grandir à ses côtés le monde des marchés devenu aujourd’hui quantitativement dominant.
Dans le même temps, les Etats souverains, autrefois maîtres du jeu, ont dû concéder une perte de contrôle et donner aux banques centrales les moyens de rééquilibrer en partie du moins le pouvoir des marchés.
Subsidiarité
L’élément central à enseigner derrière cette évolution du paysage financier n’est pas la perte de pouvoir souverain, mais une forme de subsidiarité.
Les États ont besoin des marchés car ils sont confrontés à l’explosion d’investissements incontournables qui dépassent leurs moyens budgétaires et les capacités bancaires nationales.
Face à ces besoins, les marchés apportent la concentration des capacités d’épargne de l’ensemble des acteurs de la planète et leur canalisation vers l’investissement.
Pour remplir son rôle, le monde de la finance actuel repose sur un équilibre entre liberté et régulation, ce qu’illustre par exemple la puissance des organismes de contrôle des bourses, à l’image de la Security Exchange Commission américaine.
Dissiper la méfiance
Ce cadre général étant posé, il devient aisé d’approfondir les raisons des limites du crédit bancaire et l‘importance du financement complémentaire par les marchés, tout en réfutant au passage la cohorte d’idées fausses accumulées au fil du temps sur les banques et la bourse.
La compréhension du schéma d’ensemble permet ainsi à chacun d’orienter et de mieux structurer ses propres découvertes. Cette approche entraine aussi la prise de conscience du rôle de la finance dans les relations internationales. L’explication claire du rôle critique du financement des investissements et l’enjeu géopolitique du sujet doivent permettre de dissiper la méfiance irraisonnée de l’opinion à l’égard des acteurs financiers.
Alain Lemasson
Ancien banquier - Fondateur du site INFOFI2000.com
Voir la chronique sur le site (cliquer ci-dessous)
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