CAPITAL - La confiance dans les banques
UNE CHRONIQUE
d’Alain Lemasson
(Capital.fr le 11 juin 2023)
Rétablir la confiance dans les banques
Le flou entretenu sur le fonctionnement des banques doit être corrigé, car il entretient la méfiance plus générale de l’opinion à l’égard de la finance. Le théorème de la création monétaire par les banques en est le premier exemple, suggérant une image d’indépendance et de puissance. Une puissance que renforce l’affirmation de leur indifférence au risque, puisque nous dit-on, elles ont l’assurance d’être sauvées par l’État en cas de problèmes.
Les banques créent de la monnaie est-il ainsi spécifié dans les manuels d’économie, mais les banques centrales aussi, comme certains économistes en font régulièrement l’écho, qualifiant l’action de la BCE depuis 2015 d’inondation des marchés en liquidités. Qu’il s’agisse ou non de la même monnaie, on peut s’interroger sur la coexistence de deux sources et sur les règles d’émission par l’une ou par l’autre.
Dans l’approche théorique, il est précisé que plutôt que de prêter l’argent des déposants, la banque peut aussi prêter l’argent qu’elle n’a pas et qu’elle va créer. Pour cela elle procède simplement à un jeu d’écriture consistant à inscrire simultanément un crédit à l’actif de son bilan et au passif, un dépôt fictif de même montant au nom de l’emprunteur, selon la formule « les crédits font les dépôts ».
La poursuite du raisonnement montre pourtant sa fragilité. Il suffit en effet de penser à l’utilisation effective du crédit par le client emprunteur, l’émission d’un chèque par exemple, lequel sera ensuite présenté par la banque du bénéficiaire à la banque émettrice. Pour l’honorer, celle-ci ne dispose pas d’un dépôt réel puisqu’il s’agit d’une écriture et elle devra trouver ailleurs l’argent qu’elle n’a pas. Le plus simple sera pour elle de l’emprunter sur le marché interbancaire, c’est-à-dire à une autre banque qui à cet instant aura un excédent de liquidité. Des dizaines de milliers d’opérations de cette nature ont lieu chaque jour et en fin de journée, les banques en situation d’excédent ou de déficit ont recours à leur compte auprès de la banque centrale.
Parler de création monétaire par la banque qui a fait un jeu d’écriture est donc abusif, puisque l’argent réellement injecté dans l’économie proviendra de la banque centrale, si nécessaire, après compensation des liquidités interbancaires. Quelques économistes ont corrigé le tir en introduisant la notion de « monnaie banque centrale », ajoutant que les banques déclenchent la transformation de monnaie banque centrale en monnaie bancaire.
Plus grave à cet égard est certainement le reproche de l’aléa moral. Depuis la crise des subprimes, les médias ont repris en boucle ce théorème fallacieux enseigné dans les manuels, selon lequel les banques n’hésitent pas à prendre des risques inconsidérés car elles se savent couvertes par la puissance publique en cas de problème. C’est faire peu de cas des pertes totales subies en cas de faillite par les actionnaires et par le personnel dirigeant bénéficiaire de stock-options, le sauvetage par la puissance publique étant uniquement destiné à protéger les déposants et les créditeurs externes.
Et surtout, rien n’a été dit sur la vraie nature de l’intervention de l’État français dans le contexte des subprimes. Loin d’être des subventions, les prêts massifs accordés alors aux banques menacées de faillite du fait du blocage du marché interbancaire ont été intégralement remboursés.
Rétablir la confiance vis-à-vis des banques impose la correction des idées fausses. Cette confiance est essentielle pour obtenir l’adhésion de l’opinion à la nécessite de créer un système financier européen puissant, capable de résister à la domination des marchés financiers américains et bientôt chinois.
Alain Lemasson
Ancien banquier – Fondateur du site infofi2000
Voir la chronique sur le site
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 3 autres membres