Capital - Désendettement de la France
Réformer le logement social pour désendetter la France
Le modèle français du logement social repose sur la propriété par l’État d’un ensemble de logements urbains loués à bas prix à des ménages à faibles ressources. Plusieurs centaines de milliards d’euros sont ainsi immobilisés, avec un retour sur investissement minime. La cession par l’État de ces actifs permettrait une diminution sensible de l’endettement public.
On pourrait ainsi concevoir de transférer aux locataires actuels la propriété des logements sociaux par le biais de crédits spécifiques. L’État ne serait plus le financier du logement social, mais le simple garant des crédits consentis. La valeur du parc de logements HLM ne doit pas être établie à partir des prix de marché, sous peine d’imposer aux futurs propriétaires des mensualités supérieures aux loyers actuels. Le calcul doit être effectué de manière inverse, en cherchant à quel montant financé correspond un crédit dont la mensualité de remboursement est égale au loyer mensuel actuel.
460 milliards d'euros
Selon les chiffres des fédérations concernées, le loyer HLM moyen est de 450€. En considérant le volume actuel de 5.4 millions de logements, un calcul actuariel simple montre que le montant susceptible d’être récupéré par l’État serait supérieur à 460 milliards. Ce montant repose sur l’hypothèse de crédits bancaires d’une durée de 25 ans au taux de 4%, un niveau d’autant plus attractif que les banques ne supporteraient pas le risque de non-paiement.
Une réduction de la dette de cette importance, et surtout sans obstacle politique concevable, justifie certainement l’engagement d’un telle réforme.
Mais il y a mieux encore. Si les conditions d’octroi des crédits par les banques peuvent être rendues attractives, il se pose néanmoins pour elles le problème du refinancement. La solution immédiate envisageable à cet égard serait le recours au marché. Des véhicules de placement seraient construits et proposés aux épargnants, permettant aux banques de garder une marge suffisante et surtout sans alourdir leur bilan. Ces produits financiers garantis bénéficieraient de la meilleure notation des agences spécialisées du fait de la garantie gouvernementale.
Le schéma des crédits subprimes
On reconnait ici le mécanisme d’aide au logement lancé aux États-Unis en 1938, financé initialement par l’État, relayé ensuite par les marchés. Ce mécanisme avait pris une existence légale en 1977, l’expression « crédits subprimes » étant officialisée quelques années après. Le nouveau système était géré par l’agence étatique Fannie Mae, et appuyé sur un dispositif juridique et étatique rigoureux. Mais 30 ans après - à partir de 2006-2007 - ce système a échappé au contrôle de son autorité de tutelle, le Ministère du Logement, avec les conséquences que l’on connait.
Les banques d’affaires et les fonds avaient mélangé les titres subprimes vendus à tout va par Fannie Mae avec des titres divers pour créer des obligations attractives. L’annonce explicite mais tardive de la non-garantie par l’Etat américain des titres subprimes a provoqué le choc de 2008 par la dégradation immédiate de la notation de ces obligations vendues dans le monde entier.
Il faut savoir que les corrections nécessaires ont été effectuées, et que la politique sociale du logement a repris son cours aux États-Unis, le mode de fonctionnement et de contrôle de Fannie Mae - ayant notamment fait l’objet d’un profond remaniement.
Il serait incidemment utile que les programmes d’enseignement se saisissent d’un sujet très riche au plan pédagogique, car l’étude de la « chaine des crédits subprimes » permet la mise en situation des techniques financières réputées opaques, facilitant ainsi leur assimilation.
Alain Lemasson
Centrale – Insead Ex-Vice President Europe de CNH Capital
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