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Les Allemands et nous

 

 



UNE  CHRONIQUE

dans CAPITAL 

(le 23 août 2022)

 

   

Les Allemands et nous

 

C’est un fait que les événements en cours à l’Est de l’Europe ont d’ores et déjà fait vaciller l’image de prééminence de l’économie allemande. Sa fragilité structurelle nous a été révélée par sa forte dépendance des approvisionnements russes mais il apparait surtout que l’Allemagne ne pourra plus faire l’impasse sur les investissements de défense nationale et européenne. 

On peut certes faire confiance à ce pays pour sa capacité à rebondir, mais d’une manière plus européenne pourrait-on dire. L’endettement futur de l’Allemagne parait ainsi incontournable, réduisant l‘idée d’une distance entre le Nord et le Sud de l’Europe, et surtout l’Allemagne a besoin de la solidarité européenne pour la couverture de ses besoins immédiats et futurs en matière d‘énergie. Cette situation nouvelle, ce positionnement nouveau de l’Allemagne sur l’échiquier économique européen invitent à réfléchir au rapport des Français avec leur voisin d’outre-Rhin.   

Si l’histoire et la langue nous ont longtemps séparés, le partage d’un héritage culturel dense a toujours été au cœur de notre vivre ensemble. Ce qui est unique entre ces deux pays en effet est cet ensemble de philosophes, de poètes, de peintres et de musiciens, un héritage construit il est vrai avec les autres pays européens, mais particulièrement marqué par sa dimension franco-allemande. 

Au-delà d’une méfiance encore présente, inspirée par la seconde guerre mondiale, ce qui nous différencie et nous éloigne aujourd’hui est le résultat de plusieurs règles invisibles régissant notre organisation sociale et notre rapport à l’argent.

 

Le rapport au droit  

La première de ces différences concerne l’importance donné au droit. En Allemagne la formation juridique est placée très haut dans l’échelle des savoirs. Un doctorat en droit apporte la même considération sociale qu’un diplôme de Grande Ecole en France. Les Écoles de Droit françaises ont une excellente réputation internationale mais on pourrait dire que cette matière fondamentale n’a pas pénétré l’inconscient collectif français. 

Au contraire même, puisque maints exemples de la vie collective montrent la tendance naturelle des Français à contourner les règles. 

 

Le rapport à l'autorité  

La deuxième différence, cause ou conséquence de la première, concerne le rapport à l’autorité. L’observation de la vie dans les entreprises montre qu’en France l’autorité est attachée à la personne qui l’incarne, alors qu’en Allemagne, l’autorité résulte de la position de celui qui la représente. 

C’est ainsi que par exemple, un employé allemand n’hésitera pas à contredire directement son chef ou le chef de son chef sur tel ou tel propos tenu en réunion ou dans un cadre plus large. Ce qui dans l’esprit français serait considéré comme une faute grave, une atteinte personnelle visant le chef en question, est vécu comme une attitude légitime et normale en Allemagne. 

Il est d’ailleurs piquant d’entendre les Allemands qualifier les Français de « disciplinés » précisément du fait de leur conformisme vis-à-vis de celui qui détient l’autorité.

 

Le rapport à l’argent 

La troisième différence se situe au niveau du rapport à l’argent. Les Allemands n’éprouvent ni la honte  à parler d’argent ni l’envie à l’égard des riches, plus ou moins consciente, qui caractérisent les Français, montrant ainsi une affinité avec le monde anglo-saxon que nous ne partageons pas. 

Sur tous ces points, Il faut sans doute voir l’effet de la culture protestante, plus égalitaire et plus responsabilisante que la culture catholique, laquelle imprègne encore l’inconscient collectif français. 

Sans renier les aspects positifs de notre héritage, et notamment cet art de vivre sophistiqué qui mélange intellectualisme et recherche des bonnes choses de la vie, il est clair qu’une évolution est aujourd’hui nécessaire. 

Nous pourrions ainsi commencer par faire nôtre cette phrase célèbre de Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous, vous pouvez faire pour votre pays ».

 

Alain Lemasson

Ancien banquier – auteur et chroniqueur

 

  

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la chronique sur le site de CAPITAL

(le titre a été changé)

 

   

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05/09/2022
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