la-finance
Introduction - La finance au juste qu’est-ce que c’est ?
1- Dis papa, la bourse, à quoi ça sert ?
2- La bourse et les marchés, c'est pareil ?
3- Et qui contrôle la bourse ?
4- On dit que la bourse n’est pas dans l’économie réelle
5- Financiarisation, capitalisme financier, ça fait peur, non ?
6- Papa, explique-nous la banque
7- Et pourquoi les banques sont tellement détestées ?
8- D’après un copain, les banques ne prêtent pas aux startups
9- C’est vrai que la BCE inonde les marchés ?
10- Wall Street, titrisation, ça parait tellement compliqué !
13- Les subprimes ont ruiné des malheureux, non !
14- Un directeur financier, son job, c’est quoi exactement ?
15- D’après nos copains, la comptabilité c’est très ennuyeux
16- Papa, les taux négatifs, on n’y comprend rien
17- C’est vrai qu’avant l’euro, le franc c’était mieux ?
18- C’est vrai cette histoire de la dette des petits-enfants ?
19- Papa, pourquoi n’y a-t-il pas de GAFAM en Europe ?
20- Le vrai responsable des inégalités, c’est la finance !
21- Mais papa, les dividendes, c’est moche, non?
22- La finance, c’est vraiment utile à l’économie ?
23- Mon amie la finance ? Papa, tu exagères
Conclusion - Ce qu’il faut retenir
Introduction PAPA, LA FINANCE AU JUSTE, QU’EST-CE QUE C’EST ?
Oui, vous avez raison de poser d’emblée cette question car le mot finance a plusieurs sens. C’est un mot valise, ce qui crée une impression de complexité et de flou. On parle des finances d’entreprises, des finances d’Etat, ou de finance internationale. On parle aussi beaucoup des acteurs de la finance, les banques et les marchés, ces fameux marchés dont il est souvent question dans l’actualité. Les banques, on voit à peu près ce que c’est puisque nous avons tous un compte, mais on parle aussi des banques d’affaires et des banques d’investissement, dont les activités restent mystérieuses. Quant aux marchés, la confusion résulte d’abord de ce pluriel, puisqu’il y a effectivement plusieurs marchés, les marchés financiers et les autres, comme les marchés des matières premières, pétrole et autres. Et même la bourse, le marché financier le plus connu ou disons le plus cité, est en fait inconnue à bien des points de vue. Sans parler des actions et des obligations. Alors oui, la finance est un mélange de domaines et de notions différents. Le but de notre discussion est justement d’en clarifier les aspects et de vous montrer ce qu’il faut retenir derrière cette diversité. Mais je comprends qu’avant de commencer, avant de prendre la route si je peux dire, vous avez besoin d’avoir une première idée du but à atteindre, une sorte de vue générale de l’objectif… … Oui papa, exactement ! Eh bien, je vais vous donner une définition simple de la finance, une définition concrète et facile à retenir. Et à partir de là je vous dirai ensuite la raison toute aussi simple de son importance dans le monde. La finance, c’est tout ce qui concerne la circulation de l’argent, pourquoi l’argent circule et comment il circule… Vous paraissez un peu sceptiques. En fait vous devez penser une seconde à cette idée simple, l’idée de l’argent qui bouge, sans arrêt, quelque chose dont on n’a pas toujours conscience.
Prenons un exemple de tous les jours, imaginez que vous venez de toucher un salaire et vous décidez de faire un achat, directement dans une boutique ou encore mieux, sur internet. Vous devez donc payer et pour cela vous allez déplacer de l’argent depuis votre compte vers celui du vendeur. Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Pensez que de son côté, votre vendeur va devoir lui-même payer son grossiste. Et le grossiste devra aussi payer une ou plusieurs entreprises qui lui ont fourni ses produits. Et il est possible qu’une de ces entreprises se fournisse auprès de celle qui vous emploie. Une partie de votre argent est revenue à son point de départ, dans l’entreprise où vous travaillez. La boucle est bouclée. Mais papa, tu es sûr que ça se passe comme ça ? C’est une image, bien sûr, mais c’est vrai. L’idée de la boucle tient au fait que la masse d’argent qui circule est stable, je vous expliquerai ce point précis plus tard. Il y a une exception, l’argent liquide qui est économisé et stocké chez soi. C’est rare mais ça existe même si, en proportion, ce n’est qu’une partie infime de l’autre argent. Cet autre argent, c’est celui qu’on ne voit pas mais qui est bien réel, l’argent électronique, toujours en mouvement. Retenez que l’argent bouge sans cesse, en ligne droite, en zig-zag, très vite, d’un compte à l’autre, d’une banque à l’autre, d’un pays à un autre. L’argent tourne. Vous comprenez cette idée de l’argent qui circule en permanence ? Pour le moment, ça va … Vous comprenez aussi que la circulation de l’argent est indispensable pour que l’économie fonctionne, et pour que l’argent circule, il faut des circuits. C'est un peu comme la distribution de l'eau courante dans un pays, avec des conduites, des réservoirs et des pompes un peu partout. Ou la circulation du sang dans l'organisme. Et vous le devinez, ce qui fait circuler l'argent ce sont les banques. Les outils de cette circulation, ce sont les chèques, les virements et les cartes de crédit. Il faut savoir aussi que le travail des banques est coordonné par les banques centrales. Et derrière les banques il y a les marchés financiers. Ça fait du monde, n’est-ce pas ! On verra tous ces sujets en détail mais pensez des maintenant que la bourse, grâce aux actions, fait circuler l’argent entre ceux qu’on appelle les investisseurs et ceux qui ont besoin de cet argent, les entreprises. Pensez-aussi qu’un marché financier particulier, le marché obligataire, fait la même chose pour les très grandes entreprises et pour les États. Voilà la finance c'est tout ça ! Ce mot finance recouvre tout ce qui fait fonctionner l'économie, de manière plutôt invisible. La finance c'est à la fois l'argent et les outils qui lui permettent de circuler. Alors pensez-y chaque fois que vous payez avec votre carte bancaire ou avec le téléphone, pensez qu'il y a toujours un mouvement invisible entre votre compte et le compte du vendeur, et ce mouvement se fait grâce à une ou plusieurs banques. Tout ça est résumé sur le petit schéma de la page 8. Si vous avez des questions, n’hésitez-pas. Ça va encore Je voudrais vous dire maintenant pourquoi la finance est un sujet important. Il l’est tout simplement parce que la finance, au sens large, c’est la force cachée d’un pays, ou d’un ensemble de pays. Cette finance est représentée par les banques et les marchés dans chaque pays. Vous en avez évidemment entendu parler, pas toujours en bien, surtout pour la bourse. En fait ce sujet est vraiment actuel, pensez simplement aux défis du numérique, à l’écologie et aux annonces-surprises du réarmement de l’Europe. Mais papa, quel rapport ? Le rapport entre ces sujets et la finance ? Mais il est direct, parce que dans tous ces domaines, il va falloir investir, et pour investir il faut de l’argent. Les entreprises et les États vont devoir investir. Et l’argent ne tombe pas du ciel, il faut l'emprunter à ceux qui en ont, c’est-à-dire aux banques ou aller sur les marchés, en bourse par exemple. Et derrière les marchés et la bourse, il y a des épargnants. Je vais vous parler de tout ça, c’est-à-dire de la manière d’apporter l’épargne existante vers ceux qui ont besoin d’argent pour investir. Vous verrez, c’est très concret, et très vite vous perdrez certains des préjugés que vous pouvez avoir sur la bourse, ou même sur les banques. Des préjugés, non, mais une question, les banques on comprend à quoi ça sert, mais pourquoi parle-t-on tellement des marchés ? Je vais vous donner une réponse qui, j’espère, vous donnera envie d’en savoir plus, beaucoup plus.
Les marchés, comme les banques, remplissent une fonction dont on a peu conscience, ce sont des machines à fournir de l’argent aux entreprises. Les banques accordent des crédits, les marchés permettent aux entreprises d’obtenir un financement sur une grande échelle par l’émission d’obligations ou l’émission d’actions! On parle beaucoup des marchés pour la raison très simple que les banques ont des limites, elles ne peuvent pas prêter plus qu’un certain montant, alors que les marchés, eux, n’en ont pas. Et comme les entreprises et les États ont de plus en plus besoin de financement, ils n’ont pas d’autre solutions que de passer par les marchés. Ça ne gêne pas les entreprises, trop contentes de pouvoir financer leurs investissements, recruter, grandir, lutter contre la concurrence. Mais les États, c’est une autre affaire. En Europe, il y a tendance à vouloir que les États contrôlent la finance. Ça ne veut pas dire que les marchés ne sont pas contrôlés, loin de là, mais ils se contrôlent en grande partie tout seuls. Et ça, ça ne plait pas. Les Américains n’ont aucun problème avec les marchés, au contraire. Chez eux, l’accès aux marchés, donc à l’argent, est incroyablement facile, côté épargnants et coté entreprises, et ça explique en grande partie pourquoi les sociétés comme Apple, Google, Facebook, Amazon, Tesla ou Microsoft sont américaines et pas européennes… mais je n’en dis pas plus pour le moment. Voilà, la machine à expliquer est lancée, je répondrai à toutes vos questions. Très vite vous allez vous rendre compte de l’écart qu’il y a entre l’idée que l’on peut se faire de la finance et la réalité. Et vous y prendrez goût, si, si, parce que l’économie et la finance, il en est question tous les jours, dans l’actualité, dans les médias. Tous les secteurs sont concernés, les startups, les PME, les multinationales, … les États ! Donc vous aurez chaque jour l’occasion de pratiquer, d’utiliser vos connaissances pour mieux comprendre, et peut-être aussi pour corriger les idées approximatives de vos copains. Papa, on n’en est pas là !
Chapitre 2 ACTIONS-OBLIGATIONS, QUELLES DIFFÉRENCES ?
Papa, tu nous as parlé des actions et de la bourse, mais à peine des obligations. En fait, on mélange un peu. Tu peux nous expliquer la différence entre les actions et les obligations ? Oui bien-sûr. Commençons par les actions. Rappelez-vous du miracle de la bourse ! L’entreprise qui émet des actions n’est jamais tenue de rembourser l’argent qu’elle reçoit. En revanche, l’acheteur, lui, peut changer d’avis, et revendre ses actions à tout moment, et récupérer sa mise. Et de même pour l’acheteur suivant. Bien-sûr le prix fluctue, en hausse ou en baisse, mais la bourse garantit qu’une transaction sera toujours possible. Il y aura toujours un acheteur ou un vendeur de cette action. C’est une affaire de prix. La philosophie des obligations est un peu différente. Au départ, une obligation, comme une action, est un titre émis par une entreprise (ou un État) et vendu à un investisseur. Ce titre comporte le nom de l’émetteur, le montant, la durée et le taux d’intérêt. La différence majeure par rapport à l’action est que l’émetteur de l’obligation doit la rembourser à une date précise, celle qui est inscrite sur le titre. De même, le taux d’intérêt est fixe et détermine le montant du coupon payé régulièrement. Au passage, il faut savoir qu’autrefois, les actions et les obligations étaient imprimées sur un support papier. De nos jours, tout est bien-sûr digitalisé. Mais revenons à la philosophie, à la raison d’être des obligations. Pourquoi a-t-on inventé les obligations ? C’est aussi malin ou presque que les actions. Vous allez voir. En fait, une obligation, c’est une autre manière de faire du crédit, une manière de prêter de l’argent incroyablement souple pour le prêteur. On peut faire le parallèle avec l’investisseur qui achète une action. Dans les deux cas, celui qui prête ou celui qui investit peut changer d’avis dans la minute et récupérer son argent. Prêter de l’argent par l’achat d’une obligation est beaucoup plus souple qu’un crédit. Un crédit fait plusieurs pages, il doit être contrôlé par des juristes, et il est nominatif. Tu veux dire qu’une obligation d’une demi-page avec vingt mots est juridiquement aussi sûre qu’un contrat de crédit de cinquante pages !? Ah, je reconnais bien le réflexe de la juriste. La réponse est oui. Si tu regardes la jurisprudence, il n’y a pas beaucoup de cas d’invalidation d’une obligation. Tandis que les crédits cross border, par exemple, sont souvent des casse-têtes en cas de litige car ils touchent à deux juridictions, celle du prêteur et celle de l’emprunteur. Mais je voudrais vous expliquer la raison d’être principale des obligations qui est leur capacité de circulation. Le changement de prêteur est très facile avec une obligation. Mais pourquoi faut-il changer de prêteur ? Je vais vous donner un exemple. Imaginez quelqu’un qui a un jour une grosse rentrée d’argent, l’héritage d’une tante éloignée, ou la vente d’un bien. Ce quelqu’un n’a pas le besoin immédiat de cet argent et ça tombe bien parce qu’au même moment un ami lui demande de lui prêter la même somme. Les deux amis signent donc un contrat de crédit stipulant par exemple que l’emprunteur doit rembourser au prêteur l’intégralité du prêt dans cinq ans. Et chaque année, il paiera aussi des intérêts. Tout se passe bien les deux premières années, l’emprunteur s’acquitte ponctuellement des intérêts convenus. Mais la troisième année, patatras, le prêteur a bousillé sa voiture et a donc besoin d’en acheter une autre. Impossible pour lui, moralement, de demander à son ami le remboursement anticipé du prêt. D’ailleurs il n’en aurait pas les moyens. Le prêteur est donc coincé et obligé d’aller à la banque demander un crédit. Le problème du crédit, crédit personnel ou crédit bancaire, est qu’il est nominatif. Dans un contrat de crédit, l’emprunteur et le prêteur sont nommés. La solution du problème initial aurait été très simple si au lieu de faire un crédit, l’emprunteur avez remis un titre au prêteur. Une sorte de reconnaissance de dette signée par lui, mais ne faisant pas mention du nom du prêteur. Sans rien dire à son ami ou en le disant, le prêteur aurait cherché un autre prêteur auquel il aurait revendu son titre. On ne parle d’obligations que pour les titres qui sont cotés sur le marché. Papa, on voit à peu près, mais explique-nous les marchés. Pourquoi ont-ils tant d’importance. Et concrètement, un marché qu’est-ce que c’est ? Il y a effectivement des acheteurs et des vendeurs qui discutent ? Et ces cours qui bougent tellement, sans cesse, ça a quand même un côté mystérieux ! Ah mes enfants, voilà une question qui tombe bien ! Demain, c’est jour de marché sur la place. On ira tous ensemble, ta sœur, toi et moi. Vous verrez par vous-même ce qu’est un marché. Mais, Papa, ce n’est pas la question ! Je ne parle pas de ce marché-là. On voudrait que tu nous expliques les vrais marchés, ceux dont on parle partout. Les marchés de la finance, quoi, tu vois bien ! Oui je vois bien. Mais si vous voulez comprendre, il faut commencer par le commencement…. Faites-moi confiance !.... Le lendemain Voilà nous y sommes. En fait nous ne sommes pas venus pour acheter, mais pour observer. J’ai insisté pour être là avant neuf heures. Et si je vous ai demandé à chacun de mettre dans vos poches un petit carnet et un stylo, c’est pour noter les prix des marchandises, une première fois, au début du marché, c’est-à-dire maintenant et une deuxième fois, vers midi-une heure, au moment de la fermeture. Tu veux qu’on note tous les prix ? Mais c’est impossible ! Non bien-sûr, pas tous. Seulement trois ou quatre. Voilà comment on va procéder. Vous irez chacun d’un côté du marché et vous noterez le prix du kilo de saumon, du kilo de roquefort et du kilo de tomates. Vous prendrez les premiers marchands que vous rencontrerez en vous dirigeant vers le centre. Dès que vous aurez fini, vous me retrouverez au petit bistrot près de la station de métro. Et on reviendra vers midi. Là, vous noterez une deuxième fois les prix. En choisissant les mêmes marchands et les mêmes produits. Mais papa, pour quoi faire ça deux fois ? Il n’y a pas de raison que les prix changent ! Eh bien si, justement, vous verrez que les prix changent, dans l’espace et dans le temps. Mais j’en ai trop dit. Rendez-vous au café dans un quart d’heure !... … Voilà papa, Il est neuf heures et demie, nous avons chacun nos trois prix. Que fait-on maintenant ? Nous n’allons évidemment pas attendre ici la fin du marché. Mais avant de retourner à la maison, nous allons comparer les prix que vous avez relevés. Voilà je vais les écrire sur une feuille. Saumon coté métro, saumon côté Tour Eiffel. Pareil pour le fromage et les tomates. Qu’est-ce qu’on voit ? Tiens, c’est curieux, les trois prix sont plus élevés côté métro qu’à l’autre extrémité, du coté Tour Eiffel. C’est un hasard incroyable. Non, ce n’est pas un hasard. Les clients qui sont venus en métro sont plutôt pressés, ils font leurs achats auprès de premiers marchands qu’ils rencontrent. Les autres clients viennent ici pour acheter des produits frais bien-sûr mais aussi, pour le plaisir. Ils déambulent et constatent que les prix les plus élevés sont du côté du métro. Les moins élevés sont de l’autre côté.
Voilà, et dans deux ou trois heures, quand nous reviendrons, vous verrez que beaucoup de prix auront baissé, car les vendeurs ne veulent pas rentrer chez eux avec certaines marchandises invendues. Beaucoup d’entre eux vont commencer à lever la voix, à crier même, pour annoncer des baisses de prix. Et des clients qui n’avaient pas prévu d’acheter du poisson par exemple, vont le faire spontanément, pour profiter d’une bonne affaire. C’est un peu pareil pour la bourse. Cet exemple banal vous fait comprendre que si l’univers des marchés financiers est plus compliqué, les comportements humains y jouent aussi un rôle très important. La fameuse loi de l’offre et de la demande est partout. Tout le monde dit qu’il faut réguler les marchés. On le dit depuis des années et pourtant rien ne se passe. Quel est le problème ? Ah la régulation des marchés ! C’est un des sujets favoris des médias et du monde politique. Ce qu’ils nous disent est simple : les marchés ne sont pas régulés, sous-entendu ils sont manipulés par des organismes de pouvoirs agissant contre les intérêts du peuple et des Etats. J’exagère à peine. La confusion règne. De bonne ou de mauvaise foi, une partie du monde politique utilise ce discours pour définir un ennemi commun. Pointer le doigt sur l’ennemi commun est un facteur d’union. C’est aussi trouver un alibi facile aux problèmes qui ne sont pas résolus. Il y a en France et probablement en Europe une bonne moitié de la population qui pense sincèrement que les marchés doivent être régulés. Sans comprendre exactement de quoi il s’agit. C’est même écrit noir sur blanc dans les manuels de terminale SES ! Je vous parlerai plus tard de la détestation des banques. Banques et marchés, c’est la même famille, et cette image négative a des racines anciennes ! Sachez donc que la bourse est un marché mondial fortement régulé. Cette information est publique. Et pourtant on continue sur le thème de la non-régulation des marchés ! Mais papa, il y a quand même eu des crises terribles Oui, tu as raison. L’acharnement et la contradiction s’expliquent par un fait bien réel, l’évocation régulière des crises financières. Plus de 15 ans après, on parle encore de la fameuse crise des subprimes. Mais bon, chaque sujet en son temps, je reviendrai sur ce fameux contrôle du monde de la bourse, en France et ailleurs. Et en résumé, un petit sujet de réflexion philosophique : un prix n’existe pas en tant que tel, c’est un objet mouvant, au gré de l’offre et de la demande, et aussi en fonction du risque, mesuré et ressenti.
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Chapitre 1 - DIS PAPA, LA BOURSE, A QUOI ÇA SERT ?
Okay. Parlons de la bourse. Eh bien la bourse c’est très simple, c’est une invention qui permet aux entreprises d'obtenir de l’argent … sans obligation de remboursement.
Oui, vous avez bien entendu ! Sans obligation de remboursement. C’est un aspect des choses dont on ne parle que rarement. Les médias nous donnent une image complètement différente.
Vous avez vu comme moi, dans les films ou à la télé, quand on parle de la bourse, on voit des gens très agités, qui regardent des écrans emplis de chiffres et qui courent à droite et à gauche. On parle des traders qui gagnent des fortunes et font couler les banques. C’est spectaculaire mais effectivement, on n’y comprend rien.
Et chaque jour, dans les news, on apprend que la bourse a monté, ou qu’elle a baissé. Telle action a monté de façon spectaculaire ou s’est écroulée. Et ça ne s’arrête jamais, d’un côté à l’autre de la planète. Il y a même des ordinateurs qui vont tout seuls en bourse. Et on se demande pourquoi il y a des hausses et des baisses.
Chaque jour, les commentateurs trouvent des explications. La politique ceci, le pétrole cela, les investisseurs ceci, la technologie cela.
Mais papa, explique-nous ce mystère de l’entreprise qui ne rembourse jamais.
J’y viens. Pour bien comprendre la bourse, il faut commencer par le commencement. Il faut regarder un moment très précis de la vie d’une action, sa création, sa naissance. C’est le point de départ et vous allez voir comme c’est malin.
Je parle de naissance, parce que c’est exactement ça. Un beau matin, une entreprise décide d’entrer en bourse. Elle le fait car elle a besoin d’argent, mais ne veut pas ou ne peut pas passer par sa banque, pour des raisons X ou Y que je vous expliquerai plus tard. La raison la plus simple étant souvent d’ailleurs que la banque ne veut plus prêter car elle a atteint ses limites.
Concrètement, l’entreprise fait imprimer des actions à son nom et les propose en bourse. Bien-sûr c’est préparé. Il y a eu des annonces, de la publicité, des calculs savants pour fixer le prix des actions.
Le jour J, n’importe qui peut acheter une ou plusieurs actions. Tout à l’heure, je vous montrerai comment faire, c’est très simple. Les gens qui achètent pensent que l’entreprise en question va bien travailler et que dans quelque temps ces actions vont prendre de la valeur. Et alors, en les revendant, ils pourront faire un bénéfice. Ils espèrent aussi recevoir des dividendes.
Le plus intéressant, c’est ce qui se passe du côté de l’entreprise. Pour elle, c’est très simple, l’argent qu’elle reçoit en échange des actions qu’elle a fait imprimer, elle le garde pour elle. Elle ne le remboursera jamais.
Vous avez bien entendu, elle ne le remboursera jamais. Pour être plus précis, elle n’a aucune obligation de rembourser, ce qui revient au même ! En langage comptable, cet argent porte un nom, ce sont les fonds propres.
C’est miraculeux, vous ne trouvez pas ? Vous empruntez de l’argent sans obligation de rembourser.
Vous allez me dire, mais alors pourquoi les gens achètent des actions s’ils ne sont jamais remboursés ? Et pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse si c’est tellement miraculeux ?
Oui justement !
Alors parlons des acheteurs d’actions. Les acheteurs d’actions ne sont pas remboursés par l’entreprise, mais ils savent qu’ils peuvent revendre leurs actions dès le lendemain s’ils le souhaitent, et donc récupérer leur mise. Avec bien sûr l’espoir de faire un bénéfice, comme je vous l’ai dit.
Il est même arrivé que des acheteurs d’actions les revendent le jour même ! Pourquoi ? Parce que le cours avait monté en quelques heures. Le cas le plus spectaculaire est celui d’AliBaba, la société chinoise qui concurrence Amazon.
Tu dis qu’ils peuvent revendre très vite leurs actions, mais que se passe-t-il s’il n’y a personne pour les racheter ?
Il y a toujours quelqu’un parce qu’il y a un grand nombre d’intervenants en bourse. Il y a toujours un acheteur, c’est une affaire de prix.
Vous réalisez à quel point cette invention est géniale ? Oui, en fait vous pensez que c’est trop beau pour être vrai. Qu’il y a un loup.
Il n’y a pas de loup. Mais j’y pense, si vous voulez impressionner vos copains, vous leur parlerez d’IPO. Prononcez en français A-i-Pi-O, et vous avez le son anglais. IPO est l’abréviation de Initial Public Offering, mot-à-mot, offre publique initiale. En français, le terme technique est « Introduction en bourse »...
Papa, on n’en est pas là ! Mais la question que tu as posée toi-même, pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse ? Et puis, tout ça se passe sans contrôle, il n'y a pas de fraudes, des abus ?
Mais tu penses à quelles sortes de fraudes ou d’abus ?
Je ne sais pas moi. Les entreprises sont prêtes à tout pour aller en bourse, pour faire des a-i-pi-o, comme tu dis. Emprunter de l’argent sans rembourser, c’est le jackpot. Et puis il y a peut-être des escrocs qui font imprimer des fausses actions et les revendent.
Imprimer des fausses actions, ça ne s’est jamais vu, d’autant moins que les actions « papier » n’existent plus. La bourse est devenue incontournable pour tout le monde. Pour les entreprises qui ont besoin d’argent et pour les épargnants qui veulent faire des placements. C’est donc l’intérêt de tous que les choses se passent bien.
Contrairement à ce qui est dit sur les marchés débridés et l’absence de régulation, la bourse est très contrôlée. Mais on va s’arrêter un moment. Je voudrais vous montrer comme il est simple d’acheter ou de vendre des actions sur internet….
Tu veux dire maintenant, là, tout de suite ?
Oui, tout de suite, regardez bien. Voilà je vais sur le site de ma banque et je clique sur portefeuille. Vous voyez j’ai quelques actions, surtout sur les marchés américains, que je suis en train de tester.
Alors dites-moi le nom d’une entreprise, la première qui vous vient à l’esprit…
Apple !
Ok. Voyons quelle heure il est, oui le nasdaq est ouvert.
Le nasdaq ?
C’est le nom du marché des valeurs technologiques, un marché purement électronique. L’autre marché américain s’appelle le NYSE, ce qui veut dire New York Stock Exchange, le marché historique.
Je clique sur acheter et voilà. Vous voyez ce chiffre qui bouge sans arrêt, c’est le cours d’Apple. Et on peut voir comment il a évolué, ce qu’il valait il y a une heure, un jour, un an. Combien ont été vendues, à quel prix… Des tas d’informations à la disposition de tout le monde. C’est dingue non.
Je vais en acheter une, pour vous montrer. Le site me propose le prix du marché ou un cours limite. Je clique marché et c’est fait je viens d’acheter une action Apple au prix de 220$. Bien sûr je dois payer des frais. Dans une heure ou deux on regardera si on a gagné ou perdu.
Vous avez vu comme c’est simple… vive internet !
Ok Papa, en quoi le fait d’acheter une action change les choses pour Apple ?
Aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, rien n’a changé pour Apple, que j’achète une ou mille actions. Il n’y a eu qu’un changement de propriétaire des actions. Mais ce qui compte pour Apple, c’est ce qui s’est passé avant et qui peut se passer dans le futur.
Vous allez voir ! Nous sommes pile dans le cœur de la bourse, dans son intérêt pour les entreprises et pour l’économie.
Pour l’entreprise, je vous l’ai dit il y a un moment important, c’est celui de la première émission d’actions, un événement qui ne se produit pas tous les jours. Si tout va bien, si le prix parait acceptable, si les perspectives économiques de l’entreprise sont bonnes, et si son management parait sérieux, les investisseurs vont acheter les actions mises en vente. Une fois cette IPO réalisée, l’entreprise a en caisse les millions ou les milliards d’euros qui sont le fruit de la vente des actions.
A partir de là, le cours de l’action évolue. Ce cours va monter si de nouveaux acheteurs ont envie d’acheter des actions. Pour ça il faut que les détenteurs d’actions acceptent de vendre. S’il y a plus d’intentions d’achat que d’intentions de vente, le cours monte. Il monte jusqu’au moment où ceux qui ont déjà des actions pensent que leur gain est suffisant, et vendent.
Pendant ce temps, rien ne change pour l’entreprise qui a émis les actions. Que le cours monte ou baisse, sa situation financière ne change pas dans l’immédiat … et à condition que les écarts de cours ne soient pas trop importants.
Si le cours se met à flamber, les choses peuvent changer. Tesla a connu une hausse phénoménale de son cours sur les six premiers mois de 2020, un cours multiplié par quatre ! Cette situation a conduit l’entreprise à faire une nouvelle émission d’actions avec le nouveau prix, qui lui a rapporté cinq milliards de $.
Cinq milliards de $, une somme colossale qui a été immédiatement utilisée pour construire une énorme usine de batteries en Allemagne, et recruter du personnel. Cinq milliards de $, c’est très peu par rapport à la valeur de l’entreprise en bourse, plus de mille milliards de $, donc ça n’a pas créé un changement sensible dans la répartition du capital.
Et pour les actionnaires, anciens et nouveaux, le projet était attractif car ils savaient que cet apport de fonds dans l’entreprise lui permettrait d’être encore plus rentable. Et donc que les perspectives de croissance du cours en bourse étaient excellentes.
Un jeu gagnant-gagnant, comme vous voyez.
Papa, tu nous donnes le tournis !
Ok, revenons sur terre, et regardons les choses avec lucidité. Je vous ai décrit un système qui transforme l’esprit de spéculation des uns en richesse positive pour les entreprises. Imaginez-vous ce que ça veut dire pour l’économie. Des entreprises peuvent investir, se développer, recruter sans devoir puiser dans leurs propres ressources, sans supplier les banques de leur faire crédit et sans demander l’aide de l’État.
Ça mérite quand même que l’on s’intéresse au sujet, vous ne trouvez pas ?
D’accord papa, mais il y a des gens qui perdent parce que les cours baissent
Oui, mais ceux qui perdent connaissaient la règle du jeu, et ils savent qu’ils peuvent re-gagner ensuite ce qu’ils ont perdu. Ils savent aussi que tant qu’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu. Ça s’appelle vivre avec le risque.
Voilà un premier aperçu de cette invention-miracle qu’est la bourse ! Pensez-y, parlez-en autour de vous, c’est la meilleure manière de fixer les choses dans votre mémoire.
Bon, on comprend un peu, mais la bourse c’est pour les riches, non ?
Oui c’est ce que tout le monde à l’air de croire. Tout le monde en France, je précise. Aux US et au Canada, tout le monde va en bourse, les riches et les pauvres. Vous faites de grands yeux, je vous explique.
Aux US et au Canada, les gens ne n’ont pas tous les jours le nez collé devant des écrans à passer des ordres, à acheter ou à vendre. La majorité des citoyens place une partie de ses revenus dans un portefeuille d’actions qui est géré par des professionnels.
Les fonds de retraites !
Bingo ! Bravo tu as deviné. Il y a les fonds de pension, qui sont une catégorie de ce qu’on appelle les fonds d’investissement.
Les retraites aux US sont gérées par des fonds de pension. Ces fonds de pension récoltent cette épargne et achètent des actions. A court terme, les actions montent et baissent. Mais à partir d’une durée de 10 ans, globalement, les actions prennent toutes de la valeur car l’économie progresse. Les fonds de pension revendent alors une partie des actions achetées 10 ans auparavant pour payer les retraités. Ils ont aussi du cash, car beaucoup d’entreprises paient des dividendes. Un autre sujet brûlant dont je vous parlerai.
Le système est très différent en France, où on parle de répartition. Répartition ça veut dire que les cotisations de ceux qui travaillent paient les retraités. Et quand il y a un déficit, c’est l’État qui paie ! Aux US, le problème ne s’est jamais posé comme ça. Il y a eu des faillites de Fonds de Pension, et là c’est terrible, les retraités ne touchent plus rien. La solution, c’est que les salariés répartissent leur épargne dans plusieurs fonds de pension…
Je pense que pour les retraites, on y viendra en France mais il faudra du temps. En attendant, le mouvement a commencé. C’est assez amusant de voir comment on présente les choses à ceux qui veulent placer par exemple un héritage ou le produit de la vente d’une maison. « Ah monsieur, ah madame, nous vous proposons un placement très rentable et pas trop risqué ». Voilà le mot est lâché. Le risque.
Dès qu’un banquier, enfin, disons un conseiller de clientèle parle de placement à risque, ça veut dire, achat d’actions pour une partie. Le mot bourse n’est pas prononcé, pour ne pas faire fuir le client… Ah ces banquiers !
Mais pourquoi me regardez-vous avec perplexité ?... Vous vous dîtes, c’est trop beau pour être vrai. Je vous comprends un peu, mais patience, on aura l’occasion d’en reparler... Ah mais bien-sûr, c’est parce votre papa ici présent a lui-même a été banquier. Chapitre 1 DIS PAPA, LA BOURSE, À QUOI ÇA SERT ?
Vous voulez commencer par la bourse ? Pourquoi pas. Eh bien la bourse c’est très simple, c’est une invention qui permet aux entreprises d’obtenir de l’argent … sans être obligées de rembourser. Oui, vous avez bien entendu ! Sans obligation de rembourser. C’est un aspect des choses dont on ne parle que rarement. Les médias nous donnent une image complètement différente. Vous avez vu comme moi, dans les films ou à la télé, quand on parle de la bourse, on voit des gens très agités, qui regardent des écrans emplis de chiffres et qui courent à droite et à gauche. On parle des traders qui gagnent des fortunes et font couler les banques. C’est spectaculaire mais effectivement, on n’y comprend rien. Et chaque jour, dans les news, on apprend que la bourse a monté, ou qu’elle a baissé. Telle action a monté de façon spectaculaire ou s’est écroulée. Et ça ne s’arrête jamais, d’un côté à l’autre de la planète. Il y a même des ordinateurs qui vont tout seuls en bourse. Et on se demande pourquoi il y a des hausses et des baisses. Chaque jour, les commentateurs trouvent des explications. La politique ceci, le pétrole cela, les investisseurs ceci, la technologie cela. Mais papa, explique-nous ce mystère de l’entreprise qui ne rembourse jamais. J’y viens. Pour bien comprendre la bourse, il faut commencer par le commencement. Il faut regarder un moment très précis de la vie d’une action, sa création, sa naissance. C’est le point de départ et vous allez voir comme c’est malin. Je parle de naissance, parce que c’est exactement ça. Un beau matin, une entreprise décide d’entrer en bourse. Elle le fait car elle a besoin d’argent, mais ne veut pas ou ne peut pas passer par sa banque, pour des raisons X ou Y que je vous expliquerai plus tard. La raison la plus simple étant souvent d’ailleurs que la banque ne veut plus prêter car elle a atteint ses limites. Concrètement, l’entreprise fait imprimer des actions à son nom et les propose en bourse. Bien-sûr c’est préparé. Il y a eu des annonces, de la publicité, des calculs savants pour fixer le prix des actions. Le jour J, n’importe qui peut acheter une ou plusieurs actions. Tout à l’heure, je vous montrerai comment faire, c’est très simple. Les gens qui achètent pensent que l’entreprise en question va bien travailler et que dans quelque temps ces actions vont prendre de la valeur. Et alors, en les revendant, ils pourront faire un bénéfice. Ils espèrent aussi recevoir des dividendes. Le plus intéressant, c’est ce qui se passe du côté de l’entreprise. Pour elle, c’est très simple, l’argent qu’elle reçoit en échange des actions qu’elle a fait imprimer, elle le garde pour elle. Elle ne le remboursera jamais. Vous avez bien entendu, elle ne le remboursera jamais. Pour être plus précis, elle n’a aucune obligation de rembourser, ce qui revient au même ! En langage comptable, cet argent porte un nom, ce sont les fonds propres. C’est miraculeux, vous ne trouvez pas ? Vous empruntez de l’argent sans obligation de rembourser. Vous allez me dire, mais alors pourquoi les gens achètent des actions s’ils ne sont jamais remboursés ? Et pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse si c’est tellement miraculeux ?
Oui justement ! Alors parlons d’abord des acheteurs d’actions. Les acheteurs d’actions ne sont pas remboursés par l’entreprise, mais ils savent qu’ils peuvent revendre leurs actions dès le lendemain s’ils le souhaitent, et donc récupérer leur mise. Avec bien sûr l’espoir de faire un bénéfice, comme je vous l’ai dit. Il est même arrivé que des acheteurs d’actions les revendent le jour même ! Pourquoi ? Parce que le cours avait monté en quelques heures. Le cas le plus spectaculaire est celui d’Alibaba, la société chinoise qui a concurrencé Amazon. Tu dis qu’ils peuvent revendre très vite leurs actions, mais que se passe-t-il s’il n’y a personne pour les racheter ?
Il y a toujours quelqu’un parce qu’il y a un grand nombre d’intervenants en bourse. Les bourses sont mondiales, et il y a toujours un acheteur, c’est une affaire de prix. Vous réalisez à quel point cette invention est géniale ? Oui, en fait vous pensez que c’est trop beau pour être vrai. Qu’il y a un loup. Il n’y a pas de loup ! Mais j’y pense, si vous voulez expliquer tout ça à vos copains, vous leur parlerez d’IPO. Prononcez en français A-i-Pi-O, et vous avez le son anglais. IPO est l’abréviation de Initial Public Offering, mot-à-mot, offre publique initiale. En français, le terme technique est « Introduction en bourse ». Papa, on n’en est pas là ! Mais la question que tu as posée toi-même, pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse ? Et puis, tout ça se passe sans contrôle ? Il n’y a pas des fraudes, des abus ? Mais tu penses à quelles sortes de fraudes ou d’abus ? Je ne sais pas moi. Les entreprises sont prêtes à tout pour aller en bourse, pour faire des IPO, comme tu dis. Emprunter de l’argent sans rembourser, c’est le jackpot. Et puis il y a peut-être des escrocs qui font imprimer des fausses actions et les revendent. Imprimer des fausses actions, ça ne s’est jamais vu, d’autant moins que les actions « papier » n’existent plus. La bourse est devenue incontournable pour tout le monde. Pour les entreprises qui ont besoin d’argent et pour les épargnants qui veulent placer leur argent. C’est donc l’intérêt de tous que les choses se passent bien. Imaginer qu’une entreprise mentirait sur sa vraie valeur pour obtenir plus d’argent qu’elle n’en vaut est inconcevable. Il y a trop d’intervenants, un ou plusieurs cabinets comptables, une ou plusieurs banques-conseils. Une fraude ruinerait la réputation des uns et des autres, et l’entreprise serait à jamais traitée comme une pestiférée. Et contrairement à ce qui est dit sur les marchés débridés et l’absence de régulation, la bourse est très contrôlée. Le contrôle est sévère, et il y a des gens qui vont en prison pour avoir menti ou caché des informations importantes sur leur entreprise. Mais avant de vous en parler, on va s’arrêter un moment. Je voudrais vous montrer comme il est simple d’acheter ou de vendre des actions sur internet…. Tu veux dire maintenant, là, tout de suite ? Oui, tout de suite, regardez bien l’écran. Voilà je vais sur le site de ma banque et je clique sur portefeuille. Vous voyez j’ai quelques actions, surtout sur les marchés américains, que je suis en train de tester. Alors dites-moi le nom d’une entreprise, la première qui vous vient à l’esprit… Apple ! Ok. Voyons quelle heure il est, oui le nasdaq est ouvert. Le nasdaq ? C’est le nom du marché des valeurs technologiques, un marché purement électronique. L’autre marché américain s’appelle le NYSE, ce qui veut dire New York Stock Exchange, le marché historique. Remarquez au passage qu’action se dit stock aux États-Unis, mais share (part) en anglais, ce qui correspond mieux à la réalité, d’une « part » dans l’entreprise. Je clique sur acheter et voilà. Vous voyez ce chiffre qui bouge sans arrêt, c’est le cours d’Apple. Et on peut voir comment il a évolué, ce qu’il valait il y a une heure, un jour, un an. Combien ont été vendues, à quel prix… Regardez, plusieurs millions d’actions ont déjà changé de propriétaires. Ces informations sont à la disposition de tout le monde. C’est dingue non. Je vais en acheter une, pour vous montrer. Le site me propose le prix du marché ou un cours limite. Je clique marché et c’est fait je viens d’acheter une action Apple au prix de 230$. Bien sûr je dois payer des frais. Dans une heure ou deux on regardera si on a gagné ou perdu. Vous avez vu comme c’est simple… vive internet ! Ok Papa, mais en quoi le fait d’acheter une action change les choses pour Apple ? Aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, rien n’a changé pour Apple, que j’achète une ou mille actions. Il n’y a eu qu’un changement de propriétaire des actions. Mais ce qui compte pour Apple, c’est l’évolution du cours, qui dépend de nombreux facteurs. Vous allez voir ! Nous sommes pile dans le cœur de la bourse, dans son intérêt pour les entreprises et pour l’économie. Pour l’entreprise, je vous l’ai dit, il y a un moment important, c’est celui de la première émission d’actions, un événement qui ne se produit pas tous les jours. Si tout va bien, si le prix parait acceptable, si les perspectives économiques de l’entreprise sont bonnes, et si son management parait sérieux, les investisseurs vont acheter les actions mises en vente. Une fois cette IPO réalisée, l’entreprise a en caisse les millions ou les milliards d’euros qui sont le fruit de la vente des actions. A partir de là, le cours de l’action évolue. Ce cours va monter si de nouveaux acheteurs ont envie d’acheter des actions. Pour ça il faut que les détenteurs d’actions acceptent de vendre. S’il y a plus d’intentions d’achat que d’intentions de vente, le cours monte. Il monte jusqu’au moment où ceux qui ont déjà des actions pensent que leur gain est suffisant, et vendent. Pendant ce temps, rien ne change pour l’entreprise qui a émis les actions. Que le cours monte ou baisse, sa situation financière ne change pas dans l’immédiat … et à condition que les écarts de cours ne soient pas trop importants. Si le cours se met à flamber, les choses peuvent changer. Tesla a connu une hausse phénoménale de son cours sur les six premiers mois de 2020, un cours multiplié par quatre ! Cette situation a conduit l’entreprise à faire une nouvelle émission d’actions avec le nouveau prix, qui lui a rapporté cinq milliards de $. Vous imaginez ça ? Cinq milliards de $, une somme colossale qui a été immédiatement utilisée pour construire une énorme usine de batteries en Allemagne, et recruter du personnel. Cinq milliards de $, c’est très peu par rapport à la valeur de l’entreprise en bourse, plus de mille milliards de $ à l’époque, donc ça n’a pas créé un changement sensible dans la répartition du capital. Et pour les actionnaires, anciens et nouveaux, le projet était attractif car ils savaient que cet apport de fonds dans l’entreprise lui permettrait d’être encore plus rentable. Et donc que les perspectives de croissance du cours en bourse étaient excellentes. Un jeu gagnant-gagnant, comme vous voyez. Papa, tu nous donnes le tournis ! Ok, revenons sur terre, et regardons les choses avec lucidité. Je vous ai décrit un système qui transforme l’esprit de spéculation des uns en richesse positive pour les entreprises. Imaginez-vous ce que ça veut dire pour l’économie. Des entreprises peuvent investir, se développer, recruter sans être limitées par leurs propres ressources, sans supplier les banques de leur faire crédit et sans demander l’aide de l’État. Ça mérite quand même que l’on s’intéresse au sujet, vous ne trouvez pas ? D’accord papa, mais il y a des gens qui perdent parce que les cours baissent Oui, mais ceux qui perdent connaissaient la règle du jeu, et ils savent qu’ils peuvent regagner ensuite ce qu’ils ont perdu. Ils savent aussi que tant qu’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu. Ça s’appelle vivre avec le risque. Voilà un premier aperçu de cette invention-miracle qu’est la bourse ! Pensez-y, parlez-en autour de vous, c’est la meilleure manière de fixer les choses dans votre mémoire. Bon, on comprend un peu, mais la bourse c’est pour les riches, non ? Oui c’est ce que tout le monde à l’air de croire. Tout le monde en France, je précise. Les Français préfèrent les placements pépères avec un petit taux d’intérêt de 2 ou 3 pour cent mais avec un grand avantage fiscal, question de culture. Aux US et au Canada, tout le monde va en bourse, les riches et les pauvres. Vous faites de grands yeux, je vous explique. Aux US et au Canada, les gens n’ont pas tous les jours le nez collé devant des écrans à passer des ordres, à acheter ou à vendre. La majorité des citoyens place une partie de ses revenus dans un portefeuille d’actions qui est géré par des professionnels … Les fonds de retraites ! Bingo ! Bravo tu as deviné. Il y a les fonds de pension, qui sont une catégorie de ce qu’on appelle les fonds d’investissement. Les retraites aux US sont gérées par des fonds de pension. Ces fonds de pension récoltent cette épargne et achètent des actions. A court terme, les actions montent et baissent. Mais à partir d’une durée de 10 ans, globalement, les actions prennent toutes de la valeur car l’économie progresse. Il faut savoir qu’en moyenne, le prix des actions double tous les dix ans. Les fonds de pension revendent une partie des actions achetées 10 ans auparavant pour payer les retraités. Ils ont aussi du cash, car beaucoup d’entreprises paient des dividendes. Un autre sujet brûlant dont je vous parlerai. Le système est très différent en France, où on parle de répartition. Répartition ça veut dire que les cotisations de ceux qui travaillent paient les retraités. Et quand il y a un déficit, c’est l’État qui paie ! Aux US, le problème ne s’est jamais posé comme ça. Il y a eu des faillites de Fonds de Pension, et là c’est terrible, les retraités ne touchent plus rien. La solution, c’est que les salariés répartissent leur épargne dans plusieurs fonds de pension… Je pense que pour les retraites, on y viendra en France mais il faudra du temps. En attendant, le mouvement a commencé. C’est assez amusant de voir comment on présente les choses à ceux qui veulent placer par exemple un héritage ou le produit de la vente d’une maison. « Ah monsieur, ah madame, nous vous proposons un placement très rentable et pas trop risqué ». Voilà le mot est lâché. Le risque. Dès qu’un banquier, enfin, disons un conseiller de clientèle parle de placement à risque, ça veut dire, achat d’actions pour une partie. Le mot bourse n’est pas prononcé, pour ne pas faire fuir le client… Ah ces banquiers ! Oui, justement Mais pourquoi me regardez-vous avec perplexité ? Vous vous dîtes, c’est trop beau pour être vrai. Je vous comprends un peu, mais patience, on aura l’occasion d’en reparler … Ah mais bien-sûr, c’est parce votre papa ici présent a lui-même a été banquier … |
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