L'argent magique
UNE CHRONIQUE
dans CAPITAL
(le 02 juillet 2022)
L’argent magique
Sept années après son lancement, le quantitative easing touche à sa fin. Sept années d’une politique monétaire au titre et au contenu obscurs, mais dont l’impact a été considérable pour la cohésion européenne et pour la pensée économique.
La mesure phare de cette politique concerne le rachat des obligations souveraines, un mécanisme simple d’apparence mais qui a permis à la BCE de financer les États, ce que pourtant les textes lui interdisent.
Les rachats d'obligations A la lettre en effet, le mécanisme des rachats d’obligations ne contrevient pas aux statuts de la BCE puisqu’il repose sur un schéma indirect d’acquisition d’obligations librement revendues par ceux qui les avaient précédemment achetées aux États émetteurs.
C’est à partir de cette analyse formelle qu’un accord a été trouvé à l’origine par les Gouverneurs de la BCE pour financer les rachats d’obligations par la création monétaire, et résoudre le problème alors posé qui était celui de la désinflation menaçante.
Et c’est en vain que les faucons des pays du Nord et notamment en Allemagne ont tenté de bloquer cette politique juridiquement inattaquable.
Conjuguées avec une baisse drastique des taux d’intérêt, les mesures prises ont bénéficié à tous les États de la zone euro, et la convergence des conditions d’emprunt a notamment facilité la discussion d’accords plus récents concernant la mutualisation de nouveaux emprunts de l’Union Européenne.
Les taux négatifs Le plus étonnant est que cette politique de la BCE a certes permis d’écarter la menace désinflationniste, mais sans déclencher l’inflation durable que la théorie associe à la création monétaire.
Et le comble a été atteint avec l’introduction des taux négatifs, des ovnis économiques pourrait-on dire, puisqu’un taux d’intérêt résulte comme un prix de la confrontation de l’offre et de la demande, et ne peut donc pas être négatif, en théorie du moins.
Le silence des économistes La réaction la plus générale des économistes sur tous ces points a été le silence, seulement troublé par
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quelques formules qui ont fait florès, comme celle de l’argent magique.
Plus directe a été l’accusation d’inondation des marchés en liquidités, attribuant ainsi au quantitative easing la responsabilité de la hausse de la bourse et de l’immobilier.
Une accusation étrange au demeurant, puisque l’argent indirectement prêté par la BCE aux États a été utilisé pour le financement de leurs déficits courants, et n’a pas été distribué aux investisseurs.
La substitution aux marchés Tout aussi étrange est le silence des économistes sur un phénomène réellement innovant, la substitution partielle de la BCE aux marchés en tant que prêteur.
Un statut inédit qui lui a notamment permis l’allègement considérable des charges de remboursement des États par le renouvellement à vingt ans ou plus des obligations détenues, auquel s’ajoute l’impact des taux négatifs, véritables subventions accordées aux emprunteurs.
On peut imaginer par ailleurs une forme de rémunération des banques, dès lors incitées à céder les obligations acquises sur le marché primaire. Un calcul actuariel simple montre qu’une baisse minime du taux de rachat d’une obligation procure à la banque qui la cède une marge non négligeable, bien supérieure à la pénalité pouvant toucher l’augmentation éventuelle de ses réserves auprès de la banque centrale.
Reprendre le quantitative easing La menace d’une inflation durable et le cavalier seul de la FED rendent difficile le maintien du quantitative easing par la BCE, du fait surtout de la baisse de l’euro induite par le différentiel des taux d’intérêt.
On ne voit pas quel obstacle théorique empêcherait cependant le retour des rachats d’obligations souveraines dès lors que les situations d’inflation et de taux entre les États-Unis et l’Europe se seraient rapprochées et stabilisées. Il y va de la stabilité future de la zone euro, aujourd’hui gravement menacée.
Alain Lemasson Ancien banquier – fondateur d’Infofi2000.com |
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(le titre a été changé)
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