Les Échos - L'enseignement de l'économie
UNE CHRONIQUE
d’Alain Lemasson
(Les Échos mai 2023)
L'enseignement de l'économie en France n'est pas neutre
La caractéristique première de l’enseignement de l’Économie en France est la présence de la Sociologie au programme, un rapprochement justifié dès l’origine par le souci d’élargir les capacités de réflexion des élèves. Chaque professeur est ainsi chargé de l’enseignement de plusieurs matières, Économie, Sociologie et, depuis 2020, de la Science Politique.
Il est intéressant de rappeler à cet égard le préambule du nouveau programme de Terminale publié par l’Éducation Nationale, citant d’emblée « l’insistance des professeurs sur l’exigence de neutralité axiologique », précisant que l’enseignement des Sciences Economiques et Sociales, fondé sur des travaux scientifiques, doit « aider les élèves à distinguer la démarche scientifique de ce qui relève de la croyance et du dogme ». Et de conclure que l’objectif de l’approche pluridisciplinaire (économie, sociologie et science politique) est de donner « les bases aux élèves avant que les différents regards disciplinaires ne se croisent sur des objets d’étude communs ». Formulées ainsi, la philosophie de cet enseignement et son exigence d’objectivité ne peuvent qu’entraîner l’adhésion, au détail près de la concentration de sujets complexes sur un nombre d’heures limités et d’une interrogation sur la maturité suffisante des élèves. L’examen attentif et progressif du programme révèle toutefois un écart important entre les intentions initiales et leur traduction concrète. Le premier étonnement apparait dès la lecture de la partie « Regards Croisés » du programme de la « Spécialité Sciences Économiques et Sociales ». Ses deux chapitres s’intitulent « compatibilité des inégalités avec les différentes conceptions de la justice sociale » et « l’action publique pour l’environnement ». On ne peut que noter l’absence de sujet économique et l’apparition du sujet « écologie », traité de manière incidente dans le cours. La découverte de la partie Économie réserve quant à elle plusieurs surprises, découlant autant de ce qui est dit que de ce qui ne l’est pas. Le premier chapitre, consacré à la croissance, omet ainsi complètement le rôle de l’investissement. Pas un mot sur son financement, les sujets de la banque et de la bourse, effleurés en classe de seconde, étant supposés connus. On peut s’étonner en revanche des longs développements sur les inégalités de revenus résultant de la croissance ou du commerce international, le sujet du chapitre suivant. Le troisième chapitre est entièrement consacré à la lutte contre le chômage et le quatrième traite des crises financières et de la régulation du système financier. On y parle de bulles et de panique bancaire avec l’affirmation de la responsabilité des banques en vertu du théorème de l’aléa moral, à savoir l’indifférence aux risques de la part des banques, qui se savent « couvertes par les États en cas de problèmes ». Un théorème fallacieux qui ignore complètement la perte financière totale des actionnaires en cas de renflouement d’une banque ! Le dernier chapitre, consacré aux politiques économiques dans le cadre européen, évoque surtout la perte de souveraineté monétaire des États de la zone euro, en clair, leur incapacité à recourir aux dévaluations pour résoudre les problèmes de compétitivité. Après cette analyse tronquée de l’économie et de la finance, la partie Sociologie et Science Politique n’étonne plus, centrée sur la théorie marxiste des classes sociales, l’exposé répété des facteurs d’inégalités, l’importance soulignée de l’engagement politique et la justification explicite des conflits du travail. Cet enseignement de l’économie, explicitement anti-libéral, contredit clairement le principe de « neutralité axiologique » annoncé par ses auteurs. Si l’on pense à l’intérêt des élèves, le plus utile serait leur sensibilisation au principe de réalité par l’ajout au programme actuel d’une partie dédiée à l’approche libérale de l’économie. L’objectivité y gagnerait et plus encore, leur capacité de réflexion.
Alain Lemasson Ancien banquier – Fondateur d’infofi2000 |
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