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Dénigrer la finance

 

 



UNE  CHRONIQUE

dans CAPITAL 

(le 4 septembre 2022)

 

   

Dénigrer la Finance, une habitude française  

 

Récits biaisés et raccourcis médiatiques obligent, une large partie de l’opinion française a de la finance une perception négative. Des traders aux marchés, en passant par les banques, la titrisation, les dividendes ou la bourse, il parait clair au plus grand nombre que quelque chose ne va pas dans cet univers opaque. La preuve nous en serait d’ailleurs donnée par les crises financières, la crise des subprimes notamment, laquelle aurait bien montré la responsabilité directe des institutions concernées. 

Celle des banques d’abord, dont les prises de risques inconsidérées auraient été facilitées par leur certitude d’être renflouées par l’argent public en cas de problèmes. Les banques encore, dont on sait qu’elles se débarrassent de leur mauvais crédits grâce à la titrisation, facteur majeur de la crise des subprimes. 

Il serait tout aussi clair que la bourse est un lieu de spéculation égoïste et d’enrichissement facile. C’est d’ailleurs à partir de la bourse et d’autres marchés opaques qu’un monde financier non régulé se serait créé, clos et distinct du monde économique.  Dans ce contexte, les dividendes versés aux actionnaires seraient particulièrement injustes puisqu’il s’agit d’argent prélevé sur les entreprises, au détriment de leurs salariés, et au détriment de leurs capacités d’investissement.  On pourrait ajouter à cela les interrogations appuyées sur les aspects négatifs de la croissance

 

Combattre les idées fausses 

Lutter contre ces perceptions négatives s’avère d’autant plus difficile qu’elles bénéficient du soutien de nombreux économistes, voire d’une prétendue justification théorique.  

C’est ainsi que les manuels expliquent par la notion d’aléa moral la responsabilité des banques dans les crises financières. L’expression désigne l’indifférence au risque des banques qui se pensent couvertes par l’État quoiqu’il arrive. Une affirmation quelque peu surréaliste qui s’appuie principalement sur une lecture superficielle de la crise des subprimes. S’il est vrai que des milliards d’euros ont été versés en urgence aux banques françaises dans le contexte des subprimes, le plus important n’est pas dit, cet argent a été prêté aux banques et non pas donné. L’État s’est substitué au marché monétaire temporairement bloqué. Tout a été remboursé, intérêts compris. La seule banque qu’il a fallu renflouer était une banque franco-belge en partie publique, liquidée depuis. Comprendre cela, et le dire, est important pour dissiper le bank bashing omniprésent. 

A noter que les manuels en question sont quasiment muets sur rôle positif de la titrisation, un outil développé aux États-Unis à partir de 1938 dans le cadre d’une politique nationale d’aide au logement des plus démunis,  une politique sociale pour le moins surprenante mais bien réelle et pratiquement inchangée en 2022! La version quasi-officielle présentée aux Français est que la titrisation permettrait aux banques de se débarrasser des mauvais crédits. Le fait que la BCE encourage cette pratique n’est évidemment pas l’objet d’une large médiatisation. 

Tout aussi remarquable est le quasi-silence des manuels et des médias sur le rôle de la bourse, qui est de fournir aux entreprises des capitaux non remboursables. Les actions sont assimilables à des prêts sans échéances de remboursement. A chaque émission d’actions par l’entreprise correspond ainsi une arrivée d’argent frais, qui augmente d’autant sa capacité d’investissement et de développement. 

Les dividendes sont à cet égard une incitation donnée aux actionnaires actuels ou futurs à souscrire à de futures émissions. La comparaison des sommes mises en jeu, entre paiement de dividendes et recettes issues de l’émission d’une nouvelle tranche d’actions suffirait pour éteindre la critique des dividendes. 

De même l’idée de la non-régulation des marchés s’est imposée, y compris dans les manuels, alors qu’une simple recherche sur internet montre le rôle de ces puissantes institutions de contrôle que sont l’Autorité des Marchés Financiers française et surtout la redoutable Security Exchange Commission américaine.

 

La chaine des subprimes, un sujet de pédagogie 

Ces quelques exemples montrent l’écart créé entre la perception générale de la finance et la réalité. Rétablir l’image réelle de la finance relève d’une action éducative à la fois urgente et de longue haleine. On pourrait concevoir dans l’immédiat un enseignement court mais efficace à partir d’une présentation synthétique de ce que l’on peut appeler la chaine des subprimes. 

A cela un premier argument, les idées fausses sur la finance ont été surtout construites ou renforcées à partir d’une interprétation fallacieuse de la crise du même nom, qu’il convient donc de corriger. Mais c’est surtout le potentiel pédagogique d’une telle approche qui doit être considéré. 

L’étude de la chaine des subprimes permet en effet la compréhension globale du monde de la finance et des outils financiers. Elle montre la logique des interactions entre les principaux acteurs, l’utilité générale de la finance pour l’économie, et notamment la découverte des liens indissociables entre macro et micro-économie. Une telle étude pourrait être aisément introduite, en priorité, dans l’enseignement supérieur et dans les classes préparatoires.

 

La finance n’est pas l’alpha et l’oméga du monde économique, mais elle en est une composante vitale, l’équivalent d’un système sanguin pourrait-on dire. Et plus encore, puisqu’elle est aussi un outil d’indépendance et une arme géopolitique. Notre Education Nationale se doit de comprendre l’importance de ces enjeux pour ceux de nos concitoyens qu’elle a pour mission de former.

 

Alain Lemasson 

Ancien banquier – fondateur d’Infofi2000.com

  

 

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la chronique sur le site de CAPITAL  

(le titre a été changé)

  

  

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05/09/2022
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