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Capital - Le marché européen des capitaux

 

 

 

 





UNE  CHRONIQUE

d’Alain Lemasson

(Capital le 24 août 2020)

 

 

  

Le marché européen des capitaux

(titre original)

 

Par la force des choses et dans le respect des institutions, la BCE a pris le leadership discret du navire européen. Sans préjuger du cap final, lequel relève de la sphère politique, elle a fait et continue de faire en sorte que l’Europe affronte dans les meilleures conditions les menaces extérieures qui se multiplient. 

Ainsi nos difficultés internes, de l’impact du covid sur l’économie à la perspective d’un brexit non régulé, ne doivent pas masquer les risques que la Chine et les États-Unis notamment font peser sur notre avenir.

L’Europe se doit de réduire le retard que révèle par exemple l’absence de gafas européennes. Développer le secteur financier européen est à cet égard une condition majeure d’indépendance. 

 

L’épargne européenne doit s’investir en Europe 

Sur le plan de la recherche et de l’éducation, l’Europe est à niveau, pourrait-on dire, mais notre retard en matière financière est manifeste.

Les marchés de capitaux européens sont à la traîne. Les bourses sont morcelées et nous n’avons pas de banques capables de rivaliser en taille avec leurs homologues américaines. Alors que Bank of America dispose par exemple de filiales dans tous les États américains, l’absence de banques pan-européennes sur notre continent est criante. 

Le résultat est qu’environ quarante pour cent de l’épargne européenne s’investit hors Europe, et en même temps, des startups et des entreprises européennes ne trouvent pas ici les fonds nécessaires à leur développement. 

Pour des raisons prudentielles, les banques ne prêtent pas au-delà de certains risques et de volumes. Elles n’interviennent donc pas directement dans ce qu’on appelle le capital-risque, c’est-à-dire dans l’apport en fonds propres aux entreprises en développement. La création de réseaux bancaires denses et qualifiés est toutefois nécessaire pour assurer la rencontre de l’offre et de la demande en la matière. 

Comme le montre à une large échelle l’exemple américain, ce sont en effet les grandes banques qui identifient les opportunités d’investissement, créent ou aident à créer des fonds d’investissements diversifiés et conseillent les investisseurs potentiels en capital-risque. 

 

Des banques pan-européennes 

Voilà qui explique l’action continue, quoique discrète, de la BCE pour le renforcement des banques en Europe, une condition nécessaire pour la construction d’un marché européen des capitaux. Au prétexte de la lutte contre la déflation, et dans l’esprit de sa mission originelle, l‘institution de Francfort a lancé plusieurs chantiers décisifs dans ce domaine. 

L’aide aux banques de la zone euro en est sans doute l’aspect le plus méconnu. Les premières mesures ont permis de corriger les dysfonctionnements du marché interbancaire, mais surtout, la politique de rachat des obligations souveraines a contribué à renforcer leurs fonds propres. 

Cet aspect subtil du quantitative easing n’a curieusement fait l’objet d’aucune discussion. Si les banques sont promptes à acheter des obligations souveraines et à les revendre aussitôt à la BCE, c’est que des plus-values importantes en résultent, bien supérieures à la pénalité des taux négatifs susceptibles de frapper les sommes encaissées. Des plus-values confidentielles et entièrement dépendantes des conditions proposées par la BCE. 

Il ne faut pas oublier enfin l’action de la BCE en faveur des États, l’allègement des charges d’intérêt et surtout la diminution importante du risque qualifiant les dettes souveraines, transformées partiellement en « quasi-fonds propres » du fait de leur transfert dans les livres de la BCE. La sécurité de l’entreprise « Europe » et de l’euro se trouve ainsi renforcée. 

 

La science économique remise en question 

L’élément nouveau de ces derniers mois, et le plus important, est certainement l’augmentation considérable du programme de rachat des obligations souveraines. De fait et non de droit, la BCE prête aux États, qui sont donc moins dépendants des marchés à cet égard. 

Le maintien des taux négatifs exprime par ailleurs la volonté d’orienter durablement l’épargne classique vers les placements plus risqués, une véritable révolution dans les habitudes de nombreux épargnants. 

On a pu s’étonner de la critique virulente de cette politique de la part d’économistes, voire d’ex-banquiers centraux. Il est vrai que l’écart croissant entre le monde économique réel et ses représentations théoriques anciennes a pu semer le trouble. 

De nombreux théorèmes inscrits dans le marbre ne le sont plus, du lien classique  entre inflation et création monétaire, à l’existence même des taux négatifs. Sans parler de l’apparition de fait d’un nouveau prêteur aux États de la zone euro. 

Ces critiques ont fait long feu devant le succès  incontestable de la  politique de la BCE.  Il faut voir dans la stabilité de l’euro à la fois le résultat de cette politique et l’élément clé de la confiance des marchés. La création progressive du marché européen des capitaux est à cet égard le fer de lance de la défense de l’Europe.

 

Alain Lemasson

 

 

 

 

 

 

 Voir la chronique sur le site de Capital

 

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26/08/2020
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