Les Échos - 21/07/17
ALAIN LEMASSON / président-fondateur d'Infofi 2000 Le 20/07 à 14:56
Du lycée aux grandes écoles, l’économie n’est pas enseignée dans notre pays comme il se devrait.
La campagne présidentielle a révélé la difficulté de nombreux Français à bien saisir les conséquences de certaines options économiques, comme la sortie de l'euro ou la distribution immédiate de pouvoir d'achat. Une difficulté d'autant plus grande que la présence d'économistes "engagés" aux côtés des candidats a souvent donné l'impression qu'en économie, on peut dire tout et son contraire.
La raison majeure de cette incompréhension est que, du lycée aux grandes écoles, l'économie n'est pas enseignée dans notre pays comme il se devrait. L'importance du sujet dans la vie des citoyens impose une ouverture du champ de cet enseignement, pour le moment centré sur la théorie, l'histoire de la pensée économique et la modélisation mathématique.
Enseigner le concret
Un bachelier en Sciences économiques et sociales (SES) ou un diplômé de grande école ignorent l'un et l'autre en quoi les marchés sont indispensables aux entreprises et à l'Etat. Ils ne connaissent pas le rôle des banques et des banques centrales, méconnaissent les mécanismes de l'euro. Ils ignorent ce que le financement d'une entreprise ou d'une start-up veut dire. Et comme malheureusement nombre d'économistes, ils sont incapables d'expliquer le quantitative easing autrement que par la formule convenue de « l'inondation des marchés en liquidités ».
L'enseignement français a de tout temps mis l'accent sur la théorie, aux dépens de l'« utilité » du savoir. Pour prendre l'exemple des langues, ne serait-il pas temps d'inverser l'ordre des facteurs ? Apprendre d'abord aux élèves à communiquer, créer une motivation, avant de les entraîner plus loin ? Et de même, en économie, apprendre à déchiffrer les mécanismes concrets de la finance, de la Bourse, de l'euro, des entreprises et des banques avant de leur parler de Keynes, de Mundell ou du multiplicateur de crédit ? Apprendre les objets d'aujourd'hui avant de savoir comment les génies d'hier ont jonglé avec ceux de leur temps.
Pour une démarche à partir de la base
Oui, mais comment faire, comment infléchir l'enseignement de l'économie dans un sens plus concret ? L'Education nationale est un lourd paquebot dont on ne change pas le cours aisément. Nous n'avons pas l'avantage du système allemand donnant aux Länder une certaine autonomie en matière de programmes, permettant ainsi les « tests » en grandeur nature.
Prenons le cas du bac SES. Plutôt que d'envisager une lointaine réforme des programmes venue d'en haut, on pourrait envisager une démarche à partir de la base, le "bottom-up" cher aux managers. Nous avons en France des professeurs de qualité, disposant d'autonomie et, pour beaucoup, ouverts à l'idée de mieux enseigner. Ceux qui le souhaitent pourraient être sollicités pour parler aux élèves de sujets économiques à partir de leur discipline propre.
Regard transversal
La force du regard transversal serait mise au service de la pédagogie de l'économie. Le professeur d'histoire parlant de la conversion de Constantin évoquerait ainsi la décision concomitante de l'empereur de dévaluer le solidus, nouvelle monnaie d'empire. Son collègue professeur de philosophie ferait réfléchir ses élèves sur un aspect ignoré de la Bourse, la transformation du temps court du spéculateur en temps long pour l'entreprise, laquelle, après une levée de fonds, n'est jamais contrainte de rembourser l'argent obtenu. Le professeur de mathématiques montrerait le calcul de la valeur présente d'une obligation...
Ce travail, coordonné avec le professeur d'économie, produirait des effets positifs multiples sur la motivation des élèves,... et des professeurs. L'exemple de ces derniers, découvrant le plaisir et l'efficacité du travail avec les collègues, pourrait faire tache d'huile dans l'ensemble du système éducatif, pour le plus grand bien de tous, et notamment des jeunes élèves, futurs électeurs de 2022.
Alain Lemasson est président-fondateur d'Infofi 2000 et ancien banquier (Indosuez)
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