QE OR NOT QE
UNE CHRONIQUE
dans CAPITAL
(le 3 octobre 2021)
Faut-il arrêter les achats d'obligations massifs?
La possible résurgence de l’inflation a donné un regain d’actualité au débat sur la poursuite ou non du quantitative easing. Il faut se rappeler en effet que la politique de rachat des obligations souveraines avait été justifiée à l’origine par la nécessité de lutter contre la déflation alors menaçante. Il semblerait logique d’arrêter le dispositif dès lors que l’inflation est de retour et pourrait même dépasser les objectifs communément admis.
Il faut observer à cet égard que ce quantitative easing n’a jamais reçu le soutien des économistes, bien au contraire. Après avoir pointé « l’inondation des marchés en liquidités » et son impact présumé sur le prix des actifs, ces derniers dénoncent à présent la taille excessive du bilan des banques centrales.
Le premier argument est difficile à accepter, sachant que les liquidités en question sont en fait prêtées aux États pour financer leurs déficits, et qu’il faut donc chercher ailleurs les raisons de la hausse des prix des actions et de l’immobilier des grandes villes. Et quant à la taille du bilan des banques centrales, rien n’est dit ce qui devrait en être la limite et en quoi le phénomène, certes troublant, est critiquable.
Un succès incontestable
C’est un fait que les banques centrales ont utilisé des méthodes empiriques qui font balbutier la science économique. Il est pourtant difficile de contester l’efficacité des rachats d’obligations souveraines que chacun a pu observer dans le contexte de la pandémie, sans en comprendre vraiment la technicité.
Et de même à propos des taux négatifs, dont la théorie économique nie l’existence et qui ont contribué à l’allègement des charges d’endettement des États, ou encore la disparition inexpliquée du lien entre création monétaire et inflation.
Pour de nombreux économistes, le quantitative easing ne devrait pas exister. Il faut pourtant bien percevoir ce que les États lui doivent, et qui va au-delà des facilités d’emprunt actuelles. La structure de l’endettement souverain en Europe a en effet profondément changé en ce sens qu’environ un tiers de la dette n’est plus exigible qu’à un horizon de plusieurs dizaines d’années, voire plus, du fait de l’engagement de la BCE de renouveler les obligations qu’elle détient.
Le nouveau profil des dettes souveraines
La traduction immédiate de ce nouveau profil de dette est un abaissement sensible de la perception du risque « Europe » de la part des marchés. D’une certaine manière en effet, on peut assimiler aux fonds propres d’une entreprise cette partie de la dette qui a été reprise par la BCE et qu’elle pourrait détenir indéfiniment. La conséquence la plus visible sera des conditions d’emprunt très favorables le jour où les États devront compter à nouveau sur les marchés pour se financer.
Sur tous ces plans nous sommes en terra incognita. Pour la première fois la BCE et les autres banques centrales se sont substituées aux marchés, sans conséquences négatives perceptibles, au contraire, comme le montre la stabilité des taux de change. Cela laisse penser que, si besoin était, rien n’empêcherait la BCE de recourir à nouveau au quantitative easing après l’avoir interrompu.
QE or not QE
Il semble que son abandon progressif, le fameux tapering, pourrait bien survenir en premier aux États-Unis et faire tache d’huile ensuite. Le Président américain a en effet promis des investissements d’une ampleur considérable pour la rénovation des infrastructures du pays, des investissements que seule la banque centrale, la FED, pourrait financer. Obtenir ce financement serait pour lui un avantage politique indiscutable, dans l’optique des élections de mi-mandat notamment. Ses adversaires politiques l’ont bien perçu, qui tentent de mobiliser l’opinion sur les dangers de l’argent facile et la nécessité d’arrêter la politique de quantitative easing.
Alain Lemasson Auteur de « Comprendre l’Économie et la Finance » - 3ème Edition Fondateur de
|
cliquer ci-dessous pour voir la chronique sur le site de CAPITAL
VOIR PLUS